Sommaire analytique détaillé de l'ensemble de la démonstration


INTRODUCTION. L?EFFERVESCENCE SOCIALE COMME PROBLÈME DE RECHERCHE

1. Accroche. Quatre événements où la foule a été parlée.

2. Première présentation du problème traité. Les articles de journaux disent que ces événements sont intégrateurs en supposant que les comportements des participants témoignent de leur engagement. Pourquoi ces attestations d'effervescence sont-elles apparemment si évidentes, naturelles et difficiles à mettre en doute ?

3. Présentation du terrain d'enquête : les voyages présidentiels en province. La continuité apparente des figures de la liesse fonde l'homogénéité de l'objet et est son principal problème. Poussée dans ses retranchements, elle devrait conduire à une conclusion paradoxale : l'égale popularité des régimes et de leurs hommes. Pourtant, les organisateurs ne sont pas des imposteurs, ni les participants une masse aveulie. Le rejet du paradoxe impose donc un questionnement visant les constats de liesse : qui les énonce, avec quels instruments ?

4. La notion d'effervescence chez Durkheim. Importance chez le sociologue de la séparation entre "la pensée et le mouvement". Le problème de la première : elle est souvent invisible. D'où un risque de circularité classique : l'effervescence montre les croyances qui expliquent l'effervescence.

5. Enoncé de la problématique suivie. L'enquête peut être résumée à l'examen de la formule consistant à déduire l'état d'esprit des participants de leurs faits et gestes : "s'ils applaudissent, c'est qu'ils adhérent". Les deux temps de l'enquête. Tout d'abord, peut-on montrer l'efficacité profane de cette formule ? Ensuite, fournit-elle une explication savante adéquate au postulat de l'intégration sociale ?

6. Annonce des deux questions traitées dans l'introduction. 1. La fonction intégrative reconnue aux cérémonies tient-elle aux émotions éprouvées en commun ? Autrement dit, la participation collective fait-elle la socialité de l'événement ? (n°7 à 10) 2. Le rite fait-il la croyance ou est-ce l'inverse ? Examen de la tension entre formes extérieures et motivations intérieures : où faut-il placer le curseur sur le continuum intériorisation / prise en charge ? (n°11 à 13).

7. Discussion du thème du frisson dans le dos. Rejet d'une conception contractualiste du lien social. Ce qui fait la socialité de nos actes ne relève pas d'un partage de sentiments.

8. Un cas limite : les flashmobs. L'examen de ces happenings artificiels, sans autre objet que l'imitation moqueuse du conformisme, permet de montrer que l'intention acclamative et le caractère collectif de la liesse ne suffisent pas à en fonder la socialité.

9. Définition des relations sociales chez Mauss et Elias : ce sont des liens préétablis entre des fonctions rendues interdépendantes par la médiation d'habitudes, de coutumes ou de lois.

10. Transposition à l'analyse de l'effervescence : elle est une institution préétablie comme une autre. Elle fait l'objet d'un apprentissage et existe à la fois dans et hors des individus. Sous cet aspect, importance du fait qu'une situation de liesse doit être reconnue pour que les battements de mains comptent pour des applaudissements. La liesse peut alors être prévisible sans que cela ne remette en cause la sincérité ou la spontanéité des participants.

11. Retour sur une première expérience, l'observation in situ d'une visite de F. Mitterrand à Lille. Constat empirique : la liesse est toujours attestée à partir du cortège en mouvement, jamais ou fugitivement du point de vue du public, derrière les barrières. L'articulation des deux parties opposant théologie du voyage et liturgie des visites prend sa source dans cette découverte initiale.

12. Découverte du caractère relatif de la notion de croyance comme choix individuel effectué en conscience. Détour par l'histoire longue, médiévale en particulier, de la notion. Sens et usage possible de la proposition : au Moyen Age, la croyance n'existe pas.

13. Le sondage dans le public comme fausse piste. Absurdité de l'idée d'aller demander aux gens ce qu'ils pensent : la dépersonnalisation des marques de l'adhésion est au principe de ces rassemblements. Mot d'ordre général : il faut redonner leur épaisseur sociale aux conduites acclamatives.

14. Premier principe de méthode :"Ils en pensent moins". Il faut adopter une posture déflationniste dans nos attributions de croyance à autrui.

15. Second principe de méthode : "L'argument chinois". Mise en série, comparaison (spatiale et temporelle), relativisation.

PREMIÈRE PARTIE. THÉOLOGIE DU VOYAGE : LES MÉCANISMES PSYCHOLOGIQUES D?UN SUCCÈS ANNONCÉ

CHAPITRE 1. LES FORMES DU RÉCIT : QU?EST-CE QU?UN VOYAGE À SUCCÈS ?


16. Présentation. Quatre récits ordinaires de voyage : 1828, 1913, 1959, 1996. Quatre comptes rendus des mêmes déplacements, cousins illégitimes des précédents.

17. Les traits des récits ordinaires de voyage : ils sont écrits à partir du cortège officiel, reproduisent la linéarité chronologique des étapes, et consistent essentiellement en l'énumération réitérée des vivats et acclamations.

18. Le budget des visites comme indicateur de l'importance conférée à l'embellissement urbain.

19. L'éclat et l'importance des transformations décoratives doit permettre une première attestation de l'engagement, supposé unanime, des habitants.

20. Durant la visite, les descriptions de l'éblouissement des sens jouent un rôle essentiel de transition vers le constat d'une conviction des esprits.

21. Les formes du voyage de papier. La narration consiste d'abord à énumérer les mouvements et bruits de la liesse. Parce que ces images collectives sont toujours disponibles, le voyage officiel est une activité qui ne connaît pas l'échec.

22. Parenthèse : pourquoi la crainte des organisateurs n'est ni l'opposition séditieuse, ni l'abstention, mais l'existence (supposée possible) d'une foule apathique.

23. Les images collectives de liesse alternent avec des gros plans de comportements dont l'investissement apparaît indéniable (trois images d'Epinal : la personne âgée qui sort exceptionnellement, le paysan qui salue dans son champ, le spectateur déguisé aux couleurs du président). Extension à tous de ce qui est visible chez quelques uns.

24. Conclusion du chapitre et précision : parce que les comptes rendus ne sont pas faits pour être lus à la suite, la mise en série analytique va à l'encontre de la logique profane du commentaire (elle renforce abusivement le sentiment d'insignifiance).

CHAPITRE 2. LA CRISTALLISATION D?UNE FORMULE

Répéter : le précédent des préparateurs

25. Qui sont les faiseurs de voyage ? Examen de la longévité des carrières élyséennes.

26. Comment travaillent-ils ? Examen des dossiers de travail conservés.

27. Mise en lumière du principe du recours au précédent à l'?uvre dans les préparatifs : la répétition permet d'éprouver des formules jugées efficaces pour maximiser les chances de succès.

28. Un cas exemplaire de ce mécanisme précautionneux : l'octroi d'un congé.

Oublier : l?amnésie des journalistes

29. Description et genèse du processus, rapide, de constitution d'un groupe stable et homogène de journalistes spécialisés dans la couverture des voyages.

30. L'accréditation officielle comme principal outil de ce processus.

31. Eclairage supplémentaire sur deux positions professionnelles centrales dans le groupe : le représentant d'Havas et le syndic de la presse parisienne.

32. Un constat réitéré et une question : comment expliquer le contentement élyséen devant la couverture de presse ?

33. Réponse : le fait que les journalistes répètent des inventaires de vivats doit être lié à leur constitution en groupe homogène. Rester longtemps en poste nécessite de jouer le jeu, de ne pas dévoiler la répétition des gestes présidentiels. L'amnésie de la répétition est justifiée par un argument d'éthique professionnelle : l'exercice scrupuleux du métier, consistant à livrer de l'information brute (à chaque étape ses applaudissements).

34. Deux instruments très efficaces sous cet aspect : la dépêche d'agence et le pool télévisé. Sous couvert de neutralité informative, ils livrent pour chaque halte la longue litanie des images de liesse.

Constater : le contentement des présidents et de leurs appareils

35. Chez les présidents et leurs entourages, le voyage participe d'un impératif de rapprochement, une obligation faite nature. Thème du contact régénérant. Poncif : la tour d'ivoire dont il faut sortir.

36. Ce registre de la proximité comme obligation du métier est depuis longtemps cristallisé.

37. Il repose sur ce qui est à la fois une croyance et un constat qui se renforcent l'une l'autre : les acclamations entendues témoignent des attentes du public comme de la popularité du visiteur.

38. Conclusion. Les comptes rendus de voyage reposent sur une logique du "comme si". Ils s'apparentent à des autojustifications de légitimité destinées à conforter le président et ses appareils dans l'exercice de la fonction.

CHAPITRE 3. L?ÉTAT D?ESPRIT PRÊTÉ AUX FOULES

Continuité et concordance des récits de liesse

39. Examen de la formule "S'ils applaudissent, c'est qu'ils adhèrent" dans les récits profanes ordinaires. Quelques difficultés concernant la mise en série.

40. Examen des récits d'opposants. Intérêt local de la mise en équivalence extra-politique : le club sportif municipal ou la foire voisine attirent plus et mieux.

41. Difficulté à stigmatiser les routines du voyage ou à comparer le charisme des voyageurs : risque de mise en danger de l'efficacité de l'outil par constat d'une popularité apparemment égale des régimes et des hommes. Piège des évaluations de la liesse : l'alternative consiste soit à moquer l'indigence du spectacle ou l'abêtissement des spectateurs (refus des règles du jeu), soit à discuter (donc à reconnaître) la présence des acclamations.

42. Les récits savants. Examen de l'usage des procès verbaux constatant la liesse dans l'historiographie des fêtes. Constat d'une fréquente politisation des comportements par le commentaire. Discussion de problèmes du type : en quoi un sentiment peut-il être patriotique ? Ou : dans la formule mentionnant des "individus rebaptisés citoyens dans la fête", le baptème a-t-il lieu in situ ou seulement sous la plume des faiseurs ou commentateurs de l'événement ?

43. Tentative d'explication de la concordance des récits profanes et savants. Tendance des seconds à écrire une histoire des penseurs et militants des fêtes étendue à tous : la fête est un souffle intérieur avant d'être un décor reconnu.

44. Un exemple détaillé : les images des déplacements de Pétain. Critique de leur capacité supposée à montrer non seulement la popularité, mais ses fluctuations.

45. Analyse du commentaire savant d'un montage des actualités filmées d'époque des tournées pétainistes. Critique d'une impasse du commentaire lorsqu'il accorde foi aux images de liesse de 1940, mais plus à celles de 1944.

S?ils applaudissent, c?est qu?ils y croient : l?économie d?une formule

46. L'efficacité de la formule repose sur le fait qu'elle s'apparente à un exercice banal de psychologie ordinaire.

47. Examen du vocabulaire de la liesse : l'approbation est encastrée dans le langage naturel.

48. Fondement normatif : importance de l'idée d'autonomie de la volonté dans l'efficacité de la formule. Comparaison avec les commentaires électoraux.

49. La formule comme syllogisme démonstratif. Oubli de la prémisse "tout applaudissement vaut adhésion". La logique du quatificateur "tout" est distributive et non comptable : la liaison applaudissements/adhésion est vraie quel que soit le nombre d'individus concernés.

50. Critique philosophique (1). Les observateurs n'infèrent pas, ils voient directement. De même les participants ne font pas deux choses à la fois (former la volonté d'applaudir, puis battre des mains), mais une seule. Nul besoin de supposer l'antécédence d'un acte de conscience.

51. Critique philosophique (2). Refus de l'assimilation, dans l'ordre de l'expérience vécue, entre frisson et adhésion.

52. Conséquence. Nécessité de retourner la perspective : les participants n'identifient pas, dans l'action en commun, un sentiment politique (patriotique, civique, etc.) qu'ils constateraient partager avec leurs voisins ; ils reconnaissent un contexte festif (et les conduites acclamatives qu'il appelle) dans son caractère politique.

SECONDE PARTIE. LITURGIE DES VISITES : LES CONDUITES ACCLAMATIVES D?UN CONTEXTE DE LIESSE

53. Transition. La première partie a expliqué le voyage présidentiel dans sa mécanique et dans son long succès. La seconde s'efforce de redonner à la liesse son épaisseur sociale, autrement dit des raisons autres que celle renvoyant au seul civisme des participants.

CHAPITRE 4. LES CANONS DE L?ACCUEIL

54. Les requêtes pour l'obtention d'une visite présidentielle manifestent une compétence liturgique en faisant assaut de promesses décoratives et spectaculaires, mais aussi d'engagements quant à la présence des vivats.

55. Examen de quelques usages politiques et économiques des visites. Comment ces intérêts aident à la surenchère des préparatifs.

56. Travail des préfectures et mairies dans la mise sur pied d'un "paysage présidentiel" qui puisse être reconnu.

57. Examen du rôle des unions industrielles et commerciales dans le financement et la mise en place des décors.

58. Examen de l'engagement des comités de quartier comme initiateurs, relais et contrôleurs de "l'initiative privée".

59. Esquisse de sociologie des itinéraires urbains. Principe du passage en revue comme raison centrale à la complétude sociale des parcours.

60. Examen de la préférence pour les jours fériés.

61. Le travail d'obtention d'un jour chômé lorsque la visite a lieu en semaine.

62. Le travail de publicité donnée de la visite

63. Quelques éléments sur le nombre de spectateurs et ses évolutions sur le siècle.

64. Conclusion du chapitre. Rompre l'isolement social des participants : vers la description des emplois du temps effectifs.

CHAPITRE 5. L?EMPAQUETAGE ORDINAIRE DES FÊTES

L?octroi de spectacles

65. Les participants se voient proposer un étonnant "branle-bas" de spectacles, militaires ou ludiques. Ils passent leur temps à bien autre chose qu'acclamer le président.

66. Ces annexes festives sont ouvertement considérées comme instrument d'appât des foules. Importance du fait que le président n'y prend pas part et qu'elles restent en dehors des commentaires de voyage ultérieurs.

La banalisation festive des visites

67. Un appareil festif important encadre souvent la visite présidentielle elle-même, élément d'un événement plus vaste.

68. Cet appareil de fêtes laisse entrevoir, parce que leur existence ne peut être reconnue qu'en l'absence du chef de l'Etat, les marges des visites, faites d'amusement, d'ennivrement et de plaisirs variés plus que de solennités.
Des fêtes qui s?éteignent ?

69. A partir des années 1970, le président ne passe plus en revue, mais observe et écoute. Parce que le voyage n'a plus besoin de créer l'exceptionnel, la mobilisation militante est suffisante.

70. In fine, il est possible de lier l'effondrement du nombre à l'affaissement des festivités. Une exception : les spectacles sous chapiteau et sur invitation de V. Giscard d'Estaing.

L?ordinaire de l?événement


71. Conséquence logique de la spectacularisation : l'intégration fréquente des fêtes dans le calendrier local. Ou comment le voyage se repose sur des institutions de proximité qui ont su faire la preuve de leur attractivité.

72. Examen de la banalisation marchande des articles de fête. Identité des décors du comice agricole comme de l'accueil présidentiel.

73. Conclusion. Il faut relativiser la prééminence du président dans les visites tant sa présence peut devenir marginale au sein d'un événement local plus vaste.

CHAPITRE 6. ACCLAMER EN SOCIÉTÉS : L?ÉCONOMIE DE LA LIESSE

Déploiement et correction de l?hommage dans la petite patrie

74. Les circonstances de l'acclamation. Linéaments pour une histoire somatique du vivat.

75. Le travail municipal d'organisation d'un hommage conforme : haies d'honneur, alignements, mouvements d'ensembles.

76. Le guidage de la liesse par les sociétés musicales.

77. Mobilisations enfantines et composition des foules.

78. L'apprentissage ordonné des conduites acclamatives.

Du statut des conduites acclamatives


79. Le "présent intemporel" des fêtes. Importance de l'indistinction organisationnelle des corps et décors pour comprendre la prévisibilité des acclamations. L'exemple des mises en liesse des rives de la Seine dans l'entre-deux-guerres.

80. Les techniques du corps militant. Exagération et routinisation des conduites acclamatives.

81. L'impératif de spontanéité et son envers : les accusations d'avoir battu le rappel et organisé une "claque".

82. "L'accueil à l'africaine" comme symptôme d'une absence : certains sont-ils moins "autonomes de leur volonté" que d'autres ? Le cas des visites de J. Chirac dans les DOM-TOM.

83. L'expression obligatoire des acclamations. Quelques éléments d'observation ethnographique dans une foule.

84. Exagération, hystérie, énième degré : quant à soi acclamatif et production de la liesse.

CONCLUSION. A PROPOS DU CONFORMISME

85. Synthèse de la démonstration. L'économie du récit de voyage repose sur une mécanique formulaire dont il faut se passer si l'on veut proposer une explication sociologiquement réaliste de la liesse.

86. Proposition pour que les études politiques se déprennent de l'emprise savante de la norme d'autonomie de la volonté.

87.Ouverture. Pourquoi s'intéresser à la question du conformisme social ?




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